General Charles Etienne César Gudin de la Sablonnière by George Rouget, 1839
1768–1812

Charles-Étienne Gudin de La Sablonnière

Vie et mort d’un général Immortel

Le général Gudin était l'un des généraux les plus respectés et les plus proches de Napoléon. Gudin pouvait user du tutoiement pour s’adresser à l’empereur sur le champ de bataille. Un privilège rare, car même les commissaires ne se permettait pas cette familiarité. Le lien entre le général et l’empereur était unique.

Charles Etienne Gudin de La Sablonnière naquit en 1768 dans une famille noble de Montargis, au sud de Paris. Il fit la connaissance de Bonaparte, alors âgé de 10 ans, à l'académie militaire de Brienne. Gudin avait un an de plus. L'aristocrate épaula le petit Corse, qui était malmené à cause de ses origines.

La carrière militaire de Gudin commença dans les dernières années du règne de Louis XVI. Il fit son service à la Maison du Roi en 1782 avant de rejoindre le régiment d’Artois de son oncle en tant que sous-lieutenant en 1784.

En 1789, l’année de la Révolution, la majorité des officiers aristocrates furent guillotinés ou fuirent l'armée. Charles Etienne Gudin fut l'un des rares à rester. Il fut envoyé à Saint-Domingue, pour lutter contre l’insurrection haïtienne en 1791.

Après son retour en France en 1792, il assista son oncle, alors général, en tant qu’aide de camp dans l'armée des Ardennes pour combattre la coalition anti-révolutionnaire des monarchies européennes. Gudin gravit ensuite les échelons de l’armée du Rhin.

Lorsque Napoléon Bonaparte prit le pouvoir en tant que premier consul en 1799, Gudin était général de brigade. Le fait que Gudin n’ait pas été coopté par Napoléon explique pourquoi il le respectait comme soldat. «Dès ses premières campagnes, il avait montré son caractère offensif et sa capacité à tirer le meilleur parti de ses hommes tout en prenant soin de préserver leur vie», affirme la Fondation Napoléon.

General Gudin during a military campaign, by Felix Philippoteaux
Félix Philippoteaux, Le général Gudin en campagne, paru dans le tome II de l’Histoire de l’Empire d’Adolphe Thiers, Paris, 1873

Gudin continua à faire ses preuves pendant les campagnes européennes de Napoléon. Il servit dans l'avant-garde du maréchal Davout, l’un des meilleurs maréchaux de la Grande Armée, combattant sur les sols allemand et polonais. Il aida les divisions de Davout à remporter une victoire impossible lors de la bataille d'Auerstedt, en 1806, où il fut blessé. En récompense, la division du général fut autorisée à entrer dans Berlin à l’avant-garde du défilé.

Fait comte d'Empire en 1808, il fut aux commandes, l'année suivante, de sa division lors de la bataille de Wagram, où il reçut quatre balles. Napoléon décerna alors à Gudin sa plus haute distinction, celle du Grand aigle de la Légion d'honneur, et en fit le gouverneur de Fontainebleau, son château préféré.

Lors de la campagne de Russie en août 1812, Gudin se trouvait sous le commandement direct de l'empereur. Participant à la prise de Smolensk le 17 août, il reçut deux jours plus tard l'ordre de rejoindre le maréchal Ney à Valoutina Gora. Ce dernier aurait fait pression sur Gudin pour qu'il prenne des risques inutiles ; le général aurait rétorqué : «vous allez voir comment ma division sait enlever une position qu'elle a mission d'attaquer.»

Les hommes de Gudin firent plusieurs tentatives acharnées de prendre un talus défendu par des grenadiers russes mais furent repoussés sur le côté du cours d’eau. Après avoir enfin mis pied à terre pour le traverser, Gudin fut frappé par un boulet de canon, qui lui arracha une jambe et endommagea l’autre. Malgré sa grave blessure, Gudin désigna son remplaçant avant d’être emmené à Smolensk où les principaux chirurgiens de la Grande Armée amputèrent ce qui restait de sa jambe.

Napoléon veilla lui-même aux côtés de son grand ami alors que ce dernier était en train de mourir, et lui promit d’être comme un père pour ses enfants. Le 22 août, Gudin succomba à la gangrène et à son hémorragie. L’empereur en pleura, tout comme Davout, pourtant réputé pour sa froideur.

Alors que Smolensk était toujours en flammes, un grand enterrement fut organisé dans la citadelle, en présence des troupes d'élite de la Garde impériale. La Grande Armée ressentit vivement la perte de ce général bien-aimé. Le lendemain, Napoléon lui rendit hommage dans ses dépêches, ajoutant qu'il avait prévu de faire Gudin maréchal.

Le cœur de Gudin fut rapatrié en France pour être enterré au cimetière du Père Lachaise à Paris. Mais sa mort ne mit pas fin aux liens entre la famille du général et Napoléon. L’empereur écrivit une rare lettre de condoléances personnelles à Jeanne Caroline Creutzer, l’épouse de Gudin, lui accordant la pension la plus élevée pour la veuve d’un général et promettant de s’occuper des cinq enfants de Gudin. Leur fils aîné, Charles Gabriel César (1798-1874) devint son page durant les Cent-jours et lors de la dernière grande bataille de l’empereur, celle de Waterloo.